" Vous devriez vous en sortir, rien de grave." L'interne se pencha doucement vers moi, un sourire aux lèvres pour réajuster ma perfusion. J'avais eu un accident avec mon scooter après avoir quitté le domicile familial, en colère et en larmes.
" Mais plus d'imprudences, ok ? " Je hochais la tête et esquissais un sourire :
" Je vais essayer, oui, ça serait mieux." Il était plutôt pas mal, plus vieux que moi, oui, c'était sûr. Quelques années tout au plus mais je n'avais que 16 ans et il était déjà interne.
" Vous voulez que je vous ramène un petit quelque chose à grignoter après mon service ? D'ici 30 minutes ? " J'esquissais un mouvement de la tête pour lui montrer que j'étais ok et souris en répliquant :
" Je veux bien oui, la bouffe d'ici me donne envie de vomir. Je suis affamée." Il rit et laissa échapper :
" Ca, je veux bien le croire. A tout à l'heure alors, Alice, c'est ça ? " Je hochais la tête et il sourit :
" Moi, c'est Lucas." Et il partit, me laissant un sourire rêveur sur le visage.
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" Lucas, qu'est ce qu'il y a ? " Je lançais un regard perplexe au blond qui soupira et posa son regard sur moi :
" Alice, il faut qu'on arrête toi et moi. Tu as 16 ans, tu es trop jeune. Je ne peux pas faire ça. Si ..." Je secouais la tête et posais ma main sur sa bouche :
" Arrête, tais-toi et écoute moi. Je sais que je suis jeune mais dans deux ans à peine je suis majeure et on pourra faire ce qu'on veut. Je sais que c'est difficile, qu'on doit se cacher mais ça vaut le coup, non ? Toi et moi ? Tu es bien avec moi ? " Je libérais sa bouche et il sourit en hochant la tête :
" Je suis amoureux de toi Alice mais ça me bouffe. Si quelqu'un à l'hôpital venait à savoir que je sors avec mon ancienne patiente ... " Il soupira et haussa les épaules :
" Mais, tu as raison, ça vaut le coup. Tu vaux le coup. Et je vais attendre sagement alors. Après, je serai libre de te montrer au monde entier." On rit et il déposa un baiser sur mes lèvres. Six mois qu'on partageait cet amour, cette passion qui nous dévorait et nous terrorisait en même temps. Je savais que si quelqu'un dans ma famille apprenait pour Lucas, ça serait le drame.
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" Je vais le défoncer, il est où ? " Je me plaçais devant Tonio et secouais la tête :
" Tonio, s'il te plaît, non. Tu peux pas faire ça. Je l'aime, d'accord. " Il me lança un regard furieux :
" Je me fous que tu l'aimes Alice. Tu as 17 ans, il en a 23. C'est pas possible. C'est du détournement de mineur. Amour ou pas, je ne le laisserais plus te toucher." Tonio était furieux, il avait appris pour moi et Lucas en nous surprenant cet après-midi dans un café pourtant bien isolé. Carla se plaça à mes côtés et posa une main sur mon épaule :
" Tonio, calme toi. Elle l'aime, tu entends. Tu sais ce que c'est aimer, non ? Ce que tu lui dis là, elle s'en fout. Que tu lui interdises de le revoir, elle t'écoutera pas, elle ira le revoir. Laisse-là vivre sa vie, d'accord ? Elle va avoir 18 ans dans 2 mois, c'est rien, ok. En plus, ce garçon est très bien. Je me rappelle de lui, il s'est occupé d'elle après son accident, il est médecin, il est sérieux. Tu devrais te dire que c'est mieux de la voir avec lui qu'avec un petit loubard du quartier." Mon frère haussa les épaules :
" Mais elle est tellement jeune, est-ce qu'elle est prête pour une relation d'adultes ? " Je m'interposais entre les deux et fit de grands signes de la main :
" Hey, ELLE est là, devant vous. Vous pourriez au moins vous adresser à moi." Je leur souris et rajoutais :
" Ecoutez, Lucas me rend heureuse, vraiment. On s'aime et c'est le plus important, non ? " Carla laissa échapper un petit rire et hocha la tête :
" Oui ma puce, s'il te rend heureuse, c'est le principal." Tonio haussa les épaules :
" Mouais .. Bon, allez file, va faire tes devoirs au moins." Je lui sautais au cou :
" Je t'aime Tony."
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" On a réussi, tu vois. Trois ans. Je savais qu'on pouvait le faire." Je lui pris la main et il sourit en hochant la tête. Pour nos deux ans, il m'avait fait le plus beau des cadeaux, rendre notre relation officielle aux yeux de tous. Maintenant, j'avais presque 19 ans et je l'aimais toujours autant. Lucas et moi avions réussi à tenir deux ans dans un secret presque absolu et depuis un an, nous étions enfin libres de nous aimer aux yeux de tous.
" Je suis fier de nous bébé. Tu crois que ta famille va m'aimer ? " Je hochais la tête, un sourire aux lèvres. Nous allions manger pour la première fois chez Carla. Tonio serait là bien entendu.
" T'en fais pas, tout ira bien." Je frappais à la porte de chez moi et Carla arriva pour nous ouvrir. Un sourire éclaira son visage :
" Lucas ! Heureuse de vous rencontrer officiellement. J'ai beaucoup entendu parler de vous, vous savez ? " Je lui souris et secouais doucement la tête en rigolant :
" Lucas, ma soeur Carla." Il lui fit la bise et tendit le bouquet de fleurs qu'il avait acheté pour l'occasion :
" Enchanté. Merci de m'accueillir." J'étais plus qu'heureuse et j'étais persuadée que plus rien ne pourrait venir ternir mon bonheur.
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" Lucas ? Tu as pas ouvert la bouche du dîner. Que se passe-t-il ? " Je débarrassais nos assiettes et retournais m'installer près de lui sur le canapé. Je vivais quasiment chez lui même s'il m'arrivait parfois de retourner chez Carla ou chez Tonio. Il me lança un regard contrit et me prit la main :
" Alice .. " Il baissa le regard et après un court moment de silence poursuivit :
" Il faut que je te dise quelque chose." Je sentis mon coeur s'arrêter de battre. En général, ce genre de discussions n'amenait rien de bon. Je lui lançais un regard interrogateur et il continua :
" J'ai .. J'ai une petite fille. Je l'ai découvert la semaine dernière. Une fille avec qui je sortais au lycée et ... " Sa voix se brisa et je sentis mon coeur s'accélérer. Lucas, papa ?
" Elle a ... Elle a quel âge ? Tu l'as vue ? " Ainsi, c'était ça ses silences, ses absences, son air perdu ? Une petite fille ...
" Elle va avoir 5 ans. Quand Francesca et moi nous nous sommes séparés, je commençais ma troisième année à l'université. Elle avait choisi d'arrêter ses études, moi pas. Je suis parti à l'étranger et ... Du coup, je l'ai quitté. Je n'ai jamais su qu'elle était enceinte." " Et ... Et tu vas la revoir ? La petite ? " Il me regarda et hocha doucement la tête :
" Je veux assumer mon rôle de père. Tu comprends Alice ? " Je hochais la tête :
" Bien sûr chéri. Et tu peux compter sur moi. Je ne t'abandonnerais pas. Je te soutiendrais. Quoiqu'il arrive." Un sourire se dessina sur son visage :
" Tu es sûre bébé ? Tu as 21 ans, tu es toute jeune. Tu te sens prête à assumer une petite fille, moi papa ? " " Je t'aime Lucas, j'assume tout." Il m'embrassa doucement :
" Je t'aime tellement Ali."
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" Alice, putain, comprends-moi. Francesca veut que je garde la petite." Je secouais la tête, furieuse et plantais mon regard dans le sien :
" Elle savait qu'on devait partir depuis des semaines. Elle aurait pu s'organiser autrement. Lucas, elle veut te récupérer. Elle ne supporte pas que tu m'aies dans ta vie." Il secoua la tête :
" Tu comprends rien Alice, elle veut juste que je me rattrape auprès de la petite, que je sois enfin un père. Elle se fiche de toi, arrête de toujours tout ramener à toi." Je le regardais, ulcérée :
" Je ramène tout à moi ? Tu es sérieux là ? Ca fait presque 2 ans que tout tourne autour de toi, de ta paternité, que j'accepte tout. Les après-midi en famille, les sorties au zoo pour lui faire plaisir, que je la garde quand personne n'est dispo mais faut arrêter Lucas. On a le droit de se retrouver un peu à deux aussi. On doit penser à nous." " De toute façon, tu ne l'as jamais acceptée, tu es juste jalouse que tu ne sois plus ma seule priorité, c'est tout." Je me laissais choir sur le canapé :
" C'est ce que tu penses ? " Il hocha la tête et je me relevais :
" j'ai plus rien à faire ici alors." Et je partis sans un regard en arrière.
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" Bonjour Alice, bienvenue." Je souris à la directrice et lui serrais la main. Ca y est, j'étais officiellement maîtresse d'école et je commençais ma première année en tant qu'institutrice.
" Merci Madame, je file préparer la classe." Certains élèves étaient déjà dans la cour de récré, attendant la sonnerie et je fus soudain interpellée :
" Alice ? " Je me retournais et aperçus alors la fille de Lucas :
" Cléo ? " Elle s'approcha de moi tout sourire et attrapa ma main :
" Alice, pourquoi tu viens plus à la maison ? Tu nous manques à moi et papa." Mon coeur s'arrêta de battre et je crus que j'allais tomber. Des mois que je n'avais plus entendu parler de Lucas, des mois que je faisais tout pour oublier, l'oublier. Presque un an en réalité, déjà. Et là, sa fille se tenait devant moi, ses yeux de cocker me fixant.
" Tu sais Cléo, la vie est parfois compliquée, on fait pas ce qu'on veut. J'ai pas eu beaucoup de temps pour venir vous voir mais regarde, on pourra se rattraper, je suis dans la même école." Elle haussa les épaules :
" Et papa ? " Bonne question ...